Les négociations de Bruxelles , menées canon de revolver des agences de notation sur la tempe , ont abouti à un accord dont on prétend qu’il sauve l’euro.
La Grèce a été soulagée de 50% de ses dettes au secteur bancaire soit de 100 milliards €, les banques seront recapitalisées pour 130 milliards € à trouver, le FESF sera doté d’une force de frappe de 1000 milliards € encore incertaine, une gouvernance européenne veillera au grain sur les Etats « club med ».
Alors la Grèce est-elle , pour autant, sauvée ?...Non, malheureusement !
On va réduire de 50% le fardeau d’une partie de sa dette, ce qui était réclamé ici dès le 4 Octobre dernier et qui est nécessaire mais pas suffisant comme nous l’expliquions .
Car où sont les mesures pour rétablir la compétitivité de la Grèce dont , au-delà d’un assainissement indispensable de l’Etat, dépend sa croissance et sa capacité à rembourser le solde?
Il n’ y en a pas, car pas plus que l’Espagne, le Portugal , l’Italie ou la France, la Grèce ne peut retrouver sa compétitivité sans dévaluer … or sa monnaie c’est l’euromark que Berlin veut fort !
Donc la Grèce continuera de s’enfoncer….
La recapitalisation des banques imposée par les « marchés » servira-t-elle l’économie ?... Non plus !
Elles vont se consolider (les « experts » clamaient voici peu que ce n’était pas nécessaire !) parce que la spéculation, alimentée opportunément par les agences de notation, essaie de faire croire que l’Italie pourrait faire défaut.
Ce faisant, pour atteindre le fameux ratio de 9% de Tier One supposé les mettre à l’abri, elles vont augmenter leur capital mais aussi réduire leurs prêts à l’économie et accroitre leurs marges. Qu’elles prétendent le contraire n’y changera rien : elles ont tenu le même discours en 2008..
Moins de crédit, plus coûteux, voilà qui va aggraver cette austérité que l’Europe fédéralise!
Restant privées par ailleurs, elle demeureront libres de retourner aux errements du passé, d’autant mieux que la régulation, et la séparation banque de dépôt/banque d’affaires ne se feront pas comme l’ a joliment rappelé notre Président-candidat hier soir...
Au total la récession qui se profile en Europe sera confortée, et entrainera suivant la « logique » de la règle d’or d’autres coupes budgétaires, donc plus de récession…et ainsi de suite.
Le renforcement du FESF sauvera t il, quant à lui, l’euro ? Non, moins que jamais !
1000 milliards € , c’est la force de frappe dont pourrait bénéficier le FESF pour garantir à hauteur de 20% ou 30% les émissions d’obligations des Etats en difficulté, ou en faisant appel à des investisseurs principalement publics ou privés….suivant un montage qui reste encore fumeux.
En réalité, l’Allemagne ne voulant pas que la BCE crée de la monnaie pour racheter de la dette souveraine car l’euro doit rester fort , l’Europe va aller quémander pour doter le FESF le soutien financier de la Chine … c’est à dire du pays dont l’Europe libérale et consentante accepte depuis des lustres le dumping social, monétaire, environnemental , et le pillage des brevets…
La Chine nous prêtera la corde pour nous pendre , comme l’avait prophétisé Mao, et nous nous empresserons de nous la passer au col !
Comment, dès lors, l’Europe pourrait-elle encore négocier avec les Chinois un rééquilibrage des pratiques commerciales ?
Bien au contraire, nous continuerons donc d’ouvrir nos frontières sans contreparties pour le « bien des petits Chinois » comme le disait , la main sur le cœur notre Président- candidat hier soir….en oubliant que la légitimité de la République et la sienne , c’est d’abord de pourvoir au devenir des petits Français !
Après la croissance , l’Europe se prépare à sacrifier aussi ce qui lui reste d’autonomie au sauvetage d’une monnaie qui n’est pas la sienne mais celle d’un seul.
Qu’est-ce finalement que cette Europe qui se vend et renonce? Où est même l’idéal de Schumann , de Monnet, sans parler de celui d’Adenauer et De Gaulle ?
Ceux qui applaudissent à cet accord de Bruxelles réclament une Europe fédérale qu’ils prétendent plus forte, et dans le même temps acceptent sa sujétion ! Absurde!
Le FESF revu n’est qu’ un ballon d’oxygène momentané pour une monnaie condamnée et risque de devenir le cheval de Troyes de la Chine…. Bravo , Messieurs !
La gouvernance économique renforcée nous sortira-t-elle, au moins, de l’ornière ?.... Non, mille fois non !
La gouvernance européenne, pour le dire sans détour, c’est l’application de la rigueur allemande aux autres pays.
Cela a-t-il un sens ?
Peut on demander à la France qui a une démographie en croissance et une industrie affaiblie d’avoir la même politique économique que l’Allemagne qui a une démographie déclinante et une industrie puissante ?
Peut on demander à la Grèce qui sortait du sous-développement et y retourne d’avoir la même politique que la Hollande qui a construit sa richesse de commerçants depuis quatre siècles ?
Qui ne voit que ces pays sont trop différents pour avoir la même politique budgétaire en même temps que la monnaie du plus fort !
Alors, quand notre Président candidat nous explique que la France doit être l’Allemagne , il y a de quoi rester rêveur….
Y croit- il seulement ? Ou est- il dans quelque délire de Révolution Nationale à la façon de Laval ?
Chaque jour , du Président au Premier Ministre on nous demande d’être plus allemands… « la France n’a jamais été aussi allemande » s 'exclame, médusé, le Die Welt !
Nous ne pouvons pas l’être , Messieurs, car ce n’est ni notre culture , ni notre intérêt !
Et vous êtes responsables, Messieurs, vous et vos compères socialistes indivisément, d’avoir cédé depuis 30 ans à l’Allemagne dont je répète ici que nous ne saurions lui en vouloir d’avoir défendu ses intérêts et de vous les avoir imposés puisque vous n’avez pas su défendre les nôtres !
Vous avez été et vous êtes coupables d’accepter la vassalisation de la France comme d’autres avant vous !
De ce fait, vous êtes également coupables de mettre en péril l’amitié franco-allemande qui ne peut reposer que sur l’équilibre, et donc de compromettre à terme l’Europe !
La nouvelle gouvernance européenne, ce sera en vérité la politique de l’Allemagne, donc l’austérité et la faible croissance pendant de longues années, le chômage, la régression sociale, et un nouvel affaiblissement du pays….
Même « les Echos » du 29 Octobre, peu suspects d’euroscepticisme, écrivent sous la plume d’Eric le Boucher, directeur de la rédaction « Quels emplois en Grèce dans dix ans ? Voilà la question essentielle posée par la crise de la zone euro, question qui s’élargit à l’ensemble des pays du Sud. L’union monétaire n’a pas suffi, au contraire. L’Allemagne a ici tort. Des transferts ont eu lieu, il en faudra d’autres. Que faire d’autre ? Quelle mobilité, quelle compétitivité, quelle spécialisation ? »
Cet accord de Bruxelles n’est donc pas un succès, car il ne règle que l’apparence, et momentanément.
L’Europe se condamne car aucun des problèmes de fond n’ a trouvé de début de solution.
Bien au contraire, c’est une fuite en avant car la question de la compétitivité du Sud reste posée, et c’est une trahison de l’idéal européen qui menace avec l’appel à la Chine.
Nous sommes en Europe à l'égard de l’extérieur dans la situation de la IVème République vis-à-vis des Etats Unis en 1957, mais avec la croissance en moins !
Pour ce qui est de la France, elle s’est une fois de plus soumise aux vues de l’Allemagne, et elle a cautionné l’honteux recours à la Chine qui n’est pas même notre alliée.
Nous avons la politique de Guy Mollet et nous en aurons les conséquences aggravées par la récession, sauf sursaut national qui ne viendra que « d’ailleurs ».
Roger Franchino