La Fed et le Trésor américain volent au secours d’un système financier au bord de l’asphyxie, après que l’administration républicaine, fille ainée du libéralisme pur et dur, se soit résolue à « nationaliser » Freddie Mac, Fannie Mae et AIG …
Une décision d’urgence à 1000 milliards $, prix à payer pour sauver ,momentanément peut être, le système d’un cataclysme aux conséquences économiques et politiques mondiales imprévisibles.
Et après ? …
Nul ne peut prévoir la suite tant les racines de cette crise sont multiples.
Certes la prise en charge par l’Etat de créances "pourries" dont le système financier est criblé devrait soulager le banques et surtout rétablir un début de confiance.
Pourtant nul ne peut écarter l’hypothèse de nouveaux chocs car le fond créé pour débarrasser les institutions financières de leurs « actifs toxiques » dans l'immobilier ne couvre pas tous les crédits à risques, au premier rang desquels ceux des LBO où la dette a pris ces dernières années des proportions excessives.
Les risques d’une contamination à d’autres actifs bancaires sont donc encore présents.
Une première évidence s’impose : la récession née aux Etats Unis, en cours d’exportation vers l’Europe, s’aggravera quoiqu'il en soit dans les prochains mois puisque les banques sont forcées de réduire les crédits à l’économie.
Un deuxième évidence va se faire jour : cette crise est aussi la faillite du capitalisme financier anglo saxon, et l’irruption inattendue de l’Etat comme dernier recours sonne le glas de l’idéologie du laisser faire.
Pourquoi en sommes nous là ?
Pour trois raison principales.
1) Tout d’abord , à cause de l’accumulation sans limite des déficits des paiements américains
( plus de 10 000 milliards $ !), rendue possible depuis la fin des années 60 par le statut de monnaie de réserve du dollar, par la domination économique et politique des Etats Unis, et par le laxisme de toutes les administrations américaines qui ont laissé vivre le pays au dessus de ses moyens et à crédit, la crise des "subprime" n'étant qu'un des avatars.
Ces déficits ont pour contrepartie les excédents colossaux des pays asiatiques , Chine et Japon principalement, devenus bailleurs de l’Amérique, et qui consentiront à le rester aussi longtemps que cette dernière paraîtra en mesure d’offrir de bons rendements, de rembourser sa dette, et de protéger le statut du dollar.
Bien évidemment cela ne peut durer indéfiniment et la menace d’une crise financière lourde se précise au fur et à mesure que le poids relatif, économique et politique des USA se réduit dans le monde.
En attendant lesdits capitaux, issus des grands déséquilibres américains, nourrissent les grands mouvements spéculatifs.
2)Au deuxième rang figurent la déréglementation et la globalisation qui autorisent la totale liberté de circulation et de placement de ces colossaux excédents asiatiques et moyen orientaux. Ceux ci, qui bénéficient de l’extrême mobilité permise par les nouvelles technologies , alimentent des fonds de tous poils , souverains ou non,"hedge funds " ou non, en quête de placements toujours plus lucratifs , principalement de court terme, aux quatre coins de la planète.
Pour satisfaire leur appétit et celui des fonds de pensions, on a laissé s'installer une « financiarisation » extrême du capitalisme soumettant l’industrie au diktat des résultats trimestriels et des analystes , favorisant la création supports financiers supposés doper les rendements des placements sans créer de richesse, ou introduisant des règles comptables absurdes.
Bref cette mainmise débridée , totalement incontôlée et apatride de la sphère financière sur le capitalisme au détriment des entrepreneurs et des Etats, a transformé l’économie en un casino anarchique où les jeux changent sans cesse de table et de règles quand il y en a …
3)Enfin, la pensée ultra libérale triomphante, qui s’est imposée dès que s’est effondré le contrepoids idéologique communiste, avec Reagan aux USA et Tatcher en Grande Bretagne, n’a eu de cesse de dynamiter tous les garde fous qui régulaient un tant soit peu les excès du capitalisme et ses déviations.
Toute règle et toute intervention sont devenues suspectes d’étatisme, de complot contre la libre entreprise. On en voit les résultats et le prix à payer malheureusement par les moins concernés.
Il est vrai que tout en défendant le discours libéral, l’administration américaine sait rester « interventionniste » lorsque les intérêts supérieurs du pays sont en cause.
C’est pourquoi elle intervient aujourd’hui, non parce qu'elle renie l’idéologie ultra libérale , mais parce qu’il s’agit de la sauver sans réclamer trop de comptes aux intérêts qu’elle a servi et qui partagent plus volontiers les pertes que les profits.
Qu’en conclure ?
Probablement ,les mêmes causes engendrant les mêmes effets , que nous risquons tôt ou tard un cataclysme qui emporte tout, si rien ne change sur ces points: en réalité les mesures américaines, pour spectaculaires qu'elles soient, ne garantissent rien pour demain.
Ne pouvant trop attendre de l’Amérique, c’est ici et maintenant que l’on pourrait souhaiter une initiative européenne, puisque la France seule n'en a plus les moyens.
Malheureusement chacun sait que la Commission, curieusement muette la semaine dernière, est idéologiquement libéralo-naïve et béate, que la BCE se moque de la croissance comme d’une guigne, et que la Présidence française se sent quelque peu prise à contre pied en dépit d'une louable mais tardive indignation...
Nous pourrions cependant, nous souvenant de 1929, de Mr Keynes et du New Deal, relancer ensemble nos économies trop longtemps apathiques avec un programme ambitieux d’investissements en énergies renouvelables, réduisant notre dépendance au pétrole et préservant l’avenir tout en favorisant les entreprises européennes.
Peu importe un certain accroissement de la dette, qui dans les circonstances présentes passe au second plan n'en déplaise à Bruxelles, s’il doit se traduire par une croissance retrouvée , et générer à terme des économies substantielles dans nos balances énergétiques.
La politique monétaire doit favoriser cette croissance en baissant résolument les taux d'intérêts et en permettant à nos entreprises de mieux profiter des marchés emergents sans être contraintes de délocaliser: l’euro ne peut que bénéficier à terme d’un développement plus soutenu et d’échanges moins affectés par le prix du pétrole et la désindustrialisation de l'Europe.
Enfin , l’UE repartant d’un bon pied, cette crise du capitalisme financier doit être l’occasion de rétablir un contrôle strict de la sphère financière et des mouvements de concentration.
Il revient naturellement aux Etats, notamment en France, de faire ce choix rapidement et dans l'intérêt collectif de contrôler en tant qu'actionnaire de référence les principales institutions bancaires tout en les protégeant d' appétits ou d'aventures exotiques.
Enfin, la transformation des réserves de participation en parts de capital détenues par les salariés collectivement et leur représentation à due concurrence dans les assemblées générales , voire dans les conseils d'administration , contribuerait à soustraire un peu le monde de l'entreprise aux caprices des marchés financiers.
Ainsi confortée, l'Europe pourrait reconquérir les degrés de liberté absolument indispensables pour rétablir avec l'Amérique et l'Asie la confiance, puis les bases d'un ordre économique plus stable.
Est ce un rêve impossible?….
Katsumoto