« Mitterand au poteau ! », « Waldeck à Moscou ! », « Conbandit à Pekin ! »….scandaient en ce 30 mai les millions de manifestants, qui répondaient à l’appel du général de Gaulle et à la tentative de prise de pouvoir du tout petit Mitterand pressé de régler ses comptes avec tellement plus grand.
Ce jour là, après des semaines de silence, la marée de la « majorité silencieuse », lasse des exactions et de la foire déjantée des gauchistes, de la paralysie organisée par des syndicats profitant de l’aubaine du désordre , indignée de la tentative de récupération des vieux caciques de la IVème République en veine de revanche, emportait la « récrévolution » sous des milliers de drapeaux tricolores supplantant enfin banderoles rouges et noires.
J’étais de ces manifestants , aussi joyeux peut être que le peuple de France au moment de la Libération. Toutes les catégories sociales étaient là, classes moyennes, ouvriers ,artisans, commerçants, paysans, étudiants, entonnant la Marseillaise, soulagés du retour du général De Gaulle à qui elles apportaient leur confiant soutien.
Comme pour la Libération pourtant, il n’y avait guère eu de « résistants » de la première heure : au début des barricades, je me souviens que nous n’étions qu’une poignée d’étudiants à choisir d’emblée l’action contre les « enragés » de Mao en leur apportant une contradiction à laquelle ils n’opposaient souvent que la violence. La plupart de nos camarades , qui désapprouvaient tout autant que nous, restaient chez eux.
Pourtant dans la ferveur qui défilait en ce 30 Mai, il y avait aussi un peuple de droite, voire d’extrême droite, conservateur, apeuré, qui s’était fondu dans le flot gaulliste et qui inspirera une part des députés UDR et RI élus en juin.
Quand le général , tirant les leçons des évènements, proposera de moderniser encore le pays avec plus de démocratie directe, un poids et une autonomie jamais vus offerts aux régions dans la France jacobine, une légitimité nouvelle du Sénat représentant désormais des partenaires sociaux , première étape avant d’accélérer l’association capital travail en entreprise, on sait que ce sont ceux là qui trahiront lors du référendum d’avril 69.
Cette frange bien pensante, conservatrice, privilégiée, emmenée par Giscard, avec la complicité de Pompidou, en rejoignant les notables du Sénat , les revanchards de la SFIO, de Vichy, et le PC , permirent une petite victoire du « non » et le début peut être du déclin que nous vivons depuis 40 ans.
En ce 30 Mai tout était possible encore, mais ainsi s'achevait un cycle de 10 ans de développement et de rayonnement .
Une croissance économique moyenne de 5% par an , un chômage de 2% ( 400000 chômeurs au plus haut !) malgré l’absorption d’un million de rapatriés d’Algérie, une inflation contenue sous les 3%.
Un niveau de vie des Français qui avait explosé, un enseignement qui avait absorbé le baby boom,
la libération de la femme poursuivie avec l’accès à la « pilule » et un régime matrimonial lui reconnaissant une position plus équilibrée dans le couple.
Un rayonnement international certes porté par la stature du général, mais aussi par une balance des paiement positive, l’absence de dette, le statut de 3ème puissance nucléaire au Monde, une politique extérieure dynamique et indépendante ( reconnaissance de la Chine communiste, soutien au Tiers monde, politique européenne respectant les nations, résistance aux deux impérialismes..)., des investissements dans les nouvelles technologies ( nucléaire, aéronautique, spatial, informatique..)
Une ambiance générale plutot positive, loin de la morosité des 40 dernières années développée par des infos télévisées guère plus indépendantes que la défunte ORTF mais qui , entre deux series B et de la publicité, nous rassasient des moindres maux de la Terre sans en évoquer les bonheurs.
Mai 2008 s'en va dans la grisaille...laissons Mai 68 à l' Histoire...un jour reviendra le soleil.
Katsumoto