Ainsi en quelques mois, deux régimes autoritaires comme il est de règle d’ailleurs dans les pays arabes, se sont effondrés sous la pression de la rue.
D’autres pourraient suivre , tels des dominos, tant la puissance des médias et de l’information est grande.
Ces changements affecteront durablement l’environnement politique au Moyen Orient, au Maghreb, en Afrique, et retentiront d’une part sur le conflit israélo arabe , d’autre part sur l’avenir de l’Europe.
Que la démocratie s’installe de l’autre côté de la Méditerranée et Israël , libéré de sa paranoïa, pourra envisager un développement coopératif du Moyen Orient tandis que l’Europe pourra bénéficier du renouveau économique et politique de cette mer qui fut un des berceaux de notre civilisation.
Qu’au contraire, après les feux d’artifices, les espoirs nés soient déçus et laissent la place au chaos puis à la récupération par les fous de Dieu ou quelque aventurier , et c’est la paix dans l’ensemble du bassin méditerranéen et en Afrique qui serait en cause.
Tel est l’enjeu en Tunisie certes, mais surtout en Egypte de par son poids et sa position stratégique, et peut être demain en Algérie, ou au Maroc.
Quel est le scénario le plus probable ? Et selon le cas que peut faire la France ?
Chacun a évidemment compris que la chute des régimes tunisiens et égyptiens résulte de la conjonction de plusieurs facteurs qui ne rendaient pas les évènements prévisibles pour autant.
- Une démographie extrêmement jeune, désespérée par le chômage et l’absence de perspectives mais avec l’exigence portée par une forte minorité éduquée.
- Une crise économique de 2009 , aggravée par l’inflation des denrées alimentaires qui affecte durement une population très démunie.
- Un pouvoir autoritaire usé, un personnel politique corrompu, mais des forces armées intactes.
- La liberté de communication et d’échange - c’est la nouveauté -conférée par les technologies l’information avec internet, les mobiles, les réseaux sociaux.
- Un environnement international favorable, grâce à un président Obama bien plus intelligent que son prédecesseur
Mais une fois les murs de la Bastille abattus , il reste à construire la république…vaste tâche!
Or qu’en est il ?
Ces pays n’ont aucune tradition démocratique , s’agissant de peuples soumis depuis des lustres à des régimes monarchiques ou autoritaires, entretenus depuis longtemps dans l’ignorance et la passivité par les religieux modérés ou non.
Les mouvements qui ont éclaté, initiés par la fougue de la jeunesse, repris par les élites éduquées, n’ont pas de représentation organisée et les seules forces constituées étaient les partis au pouvoir ou les islamistes.
Dès lors, il faut construire à partir de rien ce qui nécessitera temps, sagesse, et résolution.
Qui peut assurer que les peuples miséreux qui ont fondé tant d’espoir sur l’avènement de la démocratie auront la patience d’attendre ? Qui peut affirmer qu’ils pourront s’accommoder des inévitables désillusions qui suivent immanquablement les « grands soirs » ?
Le ventre a ses raisons que la raison pourrait ne pas connaitre..
Et c’est cela que savent exploiter les extrêmes, les professionnels de l’agitation, les forces du passé…en particulier les mouvements religieux.
Il n’est pas d'ailleurs d’exemple de religion monothéiste, Islam ou autre, dans l’Histoire qui ait été spontanément un soutien à l’aspiration démocratique, tant celle-ci est contradictoire avec leur représentation philosophique de l’univers.
Et c’est quand l’euphorie fait place aux querelles, quand l’espoir vacille, que le Noir, religieux ou non, peut prendre sa revanche sur le Rouge…
N’est ce pas ce que l’Histoire nous enseigne de toutes les grandes révolutions qui ont secoué le monde, à commencer par la notre ?.
Bref, le risque en Tunisie comme en Egypte est que dans 6 mois , dans un an, les immenses difficultés économiques que ces pays ne pourront résoudre seuls en si peu de temps ne fassent le lit à quelque dictature, la pire de toute car soutenue par l’idéologie étant celle de l’Islam comme on le vit au départ du Shah en Iran.
Un tel régime en Egypte ou l’un des grands pays du Maghreb serait la porte ouverte à un conflit armé dans lequel l’Europe serait inévitablement impliquée.
Alors que faire ?
Bien sûr on peut rêver que s’affirme à la tête d’une république égyptienne un Mustafa Kemal "Ataturk" qui ferait du pays une nation moderne et laïque comme ce fut la chance de la Turquie en son temps.
Mais le devenir de cette région si proche, qui commande aussi la libre circulation dans le canal de Suez, ne saurait être livré totalement au hasard.
Alors, puisque les choses sont ce qu’elles sont, une fois encore je réclamerai une France active lorsque l'essentiel est en jeu, active pour une juste cause qui est aussi la sienne.
Puisque ces peuples amis et voisins ont choisi l’espoir mais aussi un chemin ardu , la France, mère de toutes les libertés, doit non seulement encourager, mais aussi offrir son aide concrète , entrainer ses partenaires européens pour consolider, en liaison avec les USA, ces démocraties naissantes.
Sans ingérence , la France et l’Europe doivent prendre la tête et proposer une sorte de plan Marshall pour relancer la croissance et l’emploi dans ces pays en permettant l’investissement dans les grands projets d’infrastructures dont ils ont un urgent besoin : routes, habitations, hôpitaux, écoles.
Chaque chômeur égyptien ou tunisien en moins, sera un démocrate supplémentaire, chaque emploi créé sera un pas sur le chemin de la paix en Méditerranée.
De même , dans le respect des cultures et des fiertés nationales, il faut savoir discrètement se tenir à la disposition des nouveaux pouvoirs et notamment des militaires qui assurent l’intérim sur toutes questions pour lesquelles ils pourraient souhaiter profiter de nos expériences et savoir faires , par exemple en droit constitutionnel, éducation, ou sécurité.
Cette écoute et cette disponibilité efficaces et discrètes, loin des effets de manches et d’annonces contre productifs, permettront de tisser avec les nouveaux pouvoirs et les peuples des liens qui auront tôt fait de faire oublier les rancœurs de la « realpolitik » passée..
Et la France tout en contribuant à la paix, sera à nouveau, pour ces peuples là , la France éternelle, celle de la liberté et des droits de l’Homme.
Katsumoto