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29 janvier 2009 4 29 /01 /janvier /2009 17:52

 

Alors qu’en Europe la récession sévit, que , particulièrement en France, on  en appelle à la solidarité européenne, faut il maintenant susciter un débat de cette nature sur un sujet à bien des égards tabou ?

 

Hé bien oui !

 

Parce que l’Europe qui a été construite  avec l’aveuglement ou  la démission de nos dirigeants a largement contribué aux « trente  piteuses », ces années de crise larvée depuis le premier choc pétrolier .

 

Parce que les élections européennes de 2009, doivent être l’occasion d’un débat véritable sur ce qu’est devenue l’Europe et sur ce que les Français souhaitent.

 

Qu’en est il ?

 

L’Europe des Monnet, Adenauer,  De Gaulle , devait être d’abord celle de la réconciliation de la France et de l’Allemagne sur la base d’intérêts partagés , d’ambitions communes, d’équilibres et de solidarités respectées.

 

Les intérêts étaient un continent pacifié, une alliance face à la menace soviétique,  une coopération économique  autour du charbon et de l’acier d’abord, puis d’un Marché Commun.

 

L’ ambition était celle d’une Europe assurant la prospérité et faisant  entendre sa voix face aux grandes puissances.La force économique de l’Allemagne et la dissuasion nucléaire de la France s’équilibraient et se complétaient au yeux du monde.

 

Les solidarités, issues d’un  partenariat privilégié, se construiraient dans le développement des échanges culturels,  le soutien indéfectible de la France face à l’Est, l’animation conjointe du projet européen.

 

Or l’Europe s’élargissant à tous vents, la France allant de renoncements en erreurs , l’ambition initiale s’est effacée au profit d’une zone de libre échange ouverte à tous les appétits, que le plus puissant économiquement, c’est à dire l’Allemagne, a naturellement façonnée  suivant ses intérêts.

 

1) Naissance d’une zone euro-mark :  la croissance européenne garrottée

 

Alors que l’Europe et les Etats-Unis appliquaient les mêmes politiques expansionnistes lors de la récession qui suivit le premier choc pétrolier de 1973, leurs pratiques divergèrent à partir des années 1980.

Les Etats-Unis continuèrent de recourir aux relances pour sortir des récessions : budgétaire lors de la récession de 1982 et monétaire au début des années 1990.

A l’inverse, les politiques des pays du SME devinrent restrictives, car il s’agissait  d’assurer la « convergence » des économies pour construire l’ unité monétaire autour d’une future devise dans laquelle les monnaies fortes, dominées par le Deutsche Mark, auraient la part belle.

 

- monnaies « fortes » : Deutsche Mark 32,68%, Florin Néerlandais 10,21%, Franc Belge 8,71%

- monnaies « faibles » : Franc Français 20,79%, Livre anglaise 11,17%, Lire italienne 7,21%, Peseta 4,24%

 

L’euro aussi fort que le Mark , entendait on en Allemagne !!

 

Compte tenu de cela , l’ évolution au sein du SME  s’est traduite par des politiques monétaires calquées sur celle de l’ Allemagne et un ancrage de plus en plus fort des monnaies nationales au  mark.

 

C’est pourquoi on peut parler de zone euro-mark  puisque la monnaie  a été depuis,  et est  encore , gérée de fait suivant les  intérêts de l’Allemagne  avec de  fâcheuses conséquences pour la croissance  de la France.

 

C’est , par exemple ,dans la première moitié des années 1980, que le chômage de masse fit son apparition passant d’un peu moins de 6% de la population active à la veille du second choc  pétrolier à près de 11%.

 

Le graphique suivant illustre qu’à partir de 1982 , l’écart de croissance entre les principaux pays du SME et les autres grands pays de l’OCDE est devenu important et durable

 

 La politique monétaire  restrictive suivie fut et reste évidemment  une des principales causes de cette anémie européenne.

 

Les taux d’intérêts  sont passés en moyenne de moins de 2% en 1980-81 à 4-6% de 1982 à 1989 pour atteindre près de 8% en 1992 à la veille de la récession de 1993

Dans le reste de l’OCDE, ils étaient de 4-6% jusqu’en 1985, puis ils ont décliné pour se stabiliser autour des 2% et moins en 1991.

 

Plus significatif encore  ,on aperçoit  sur ce graphique que , tandis que les Etats Unis à partir de 1989 – 1990 baissaient leurs taux pour relancer l’économie,  l’Allemagne et la France augmentaient les leurs !.

 

Pourtant l’inflation en Europe n’était pas moins sous contrôle qu’aux USA.

De fait la croissance économique fut  clairement garrottée dans cette  zone euro mark !

 

Plus grave, la divergence entre l’Europe du SME en 1989 – 1990 et les Etats Unis  eut  pour principale cause un événement politique majeur , la  réunification de l ‘Allemagne , et  parallèlement l’aveuglement de la France.

 

 

2) L’Europe  a payé la réunification de l’Allemagne

 

Après  l’effondrement du mur de Berlin le 9 Novembre 1989 , la réunification de l’Allemagne  a été menée tambour battant  par le Chancelier Kohl, mais suivant des méthodes lourdes de conséquences pour l’union monétaire en construction.

 

Sur un plan technique elles se présentèrent comme suit :

 

 - traité monétaire du 18 mai 1990 entre RFA et RDA stipulant qu’au 1er Juillet le Deutsche Mark( DM)  ouest allemand devenait la monnaie de la RDA : un ancien  mark est allemand vaudrait un DM ouest allemand !

 

- l’Allemagne de l’Ouest va transférer 150 milliards de DM par an pendant près de 10 ans à la RDA pour la moderniser, tout en privatisant 14000 entreprises est allemandes.

 

- Le chancelier Kohl , pour des raisons électorales, refusa de présenter la facture de la réunification aux Allemands de l’Ouest, et finança l’explosion des dépenses par l’emprunt  plutôt que par l’impôt.

 

Il s’ensuivit une vive surchauffe de l’économie et  des menaces sur le DM. Fidèle à sa mission de gardienne de la stabilité de la monnaie, la Bundesbank  augmenta les taux d’intérêts comme il apparaît sur le graphique évoqué plus haut plongeant le pays dans la récession….

Face à cette situation , les membres du SME soit augmentèrent leurs taux d’intérêt pour coller au DM quitte à suivre l’Allemagne dans la récession comme le fit la France, soit en sortirent comme y fut   contrainte l’Italie avec la dévaluation compétitive de la Lire en 1992.

Au total, et malgré l’élargissement des marges de fluctuation des devises après 1992, la politique monétaire de la Bundesbank s’est imposée à tous ceux qui rêvaient  monnaie unique.


C’est ainsi que l’Europe des « fédéralistes » , au premier rang desquels la France, s’est amputée durant près de 20 ans du surplus de croissance dont a bénéficié le reste de l’OCDE !!


Pire, en liant définitivement leur monnaie à celle de l'Allemagne dominante, et en perdant la liberté de baisser leur change  sur les marchés mondiaux,   les pays concernés  lui ont concédé un avantage concurrentiel  définitif et ont incité  leurs  entreprises à rechercher la compétitivité par la baisse quasi exclusive du coût du travail : « dégraissages », compression des salaires, délocalisations….


Tout se passe comme si nous avions payé  la réunification de l’Allemagne !


Pourquoi la France s’est elle engagée dans cette voie ?

 

3) les erreurs France

.

Nos erreurs proviennent d’un défaut de réalisme économique et politique.

 

La puissance économique de la France est surclassée par celle de l’Allemagne depuis plus de 100 ans, notamment dans l’industrie .

 


Le PIB de l’Allemagne avoisine les 3000 milliards € quand celui de la France est proche de 1900 milliards €, la population outre Rhin est de 82 millions d’habitants quand celle de la France vient de passer les 64 millions.

 

Mais l’industrie  de l’Allemagne domine avec  près de 23% de la valeur ajoutée produite contre à peine 14% en France.

 

De très  longue date construite sur un standard élevé de qualité  dans les biens d’équipement, l’industrie allemande  bénéficie de l’image de ce qui ce fait de mieux dans le monde, ce qui lui permet de se soustraire en bonne part à la pression sur les prix.

 

La France de son côté, dont les productions ont une image hétérogène, peine à dégager  une balance commerciale positive, et reste très sensible aux prix, c’est à dire à l’évolution des devises.

 

Dès lors la France qui aurait nécessité une politique de change et monétaire accommodante à l’instar de celle de la Grande Bretagne, des USA, du Japon ou de la Chine a commis une lourde erreur en pensant pouvoir faire vivre son économie à  « l’égal » de l’Allemagne.

 

Manque de réalisme économique qui se perpétue…

 

La deuxième erreur fut celle de Mitterand qui joua , une fois de plus, le double jeu au moment de la réunification,  et commit la sottise  de paraître soutenir la RDA agonisante lors de sa malencontreuse visite des 22 et 23 Décembre 1989 ( postérieure à la  chute du mur) en déclarant :"République Démocratique d'Allemagne et France, nous avons encore beaucoup à faire ensemble" !


Les dirigeant ouest allemands meurtris et déçus par leur allié français le firent payer à un Mitterand dépassé  lors des négociation de Maastricht, où l’Allemagne imposa des conditions conformes à ses intérêts…
 

Manque de réalisme politique qui se poursuit …


4) Alors quelle voie pour demain ?


En tout premier, la volonté de rétablir la France sans renoncer à une alliance, bien comprise de part et d’autre du Rhin , avec l’Allemagne puisque de celle là dépend l’avenir du continent.


Cela passe par la remise à plat de la politique de change de l’euro  et de la mission de la BCE : la crise actuelle peut favoriser l’aggiornamento.


Cela passe ensuite  par le renforcement du rôle des Etats  au détriment  de la Commission Européenne dont l’idéologie libérale a détourné l'ambition européenne. 


Enfin, le temps est venu, avec l’Allemagne mais aussi avec les pays  fondateurs de l’Europe de redéfinir le projet européen : frontières non extensibles, développement économique régulé et participatif, préférence communautaire, refus des dumpings fiscaux et sociaux, rapport indépendant aux grandes puissances, organisation confédérale et flexible.  

Bref, il s’agit de sortir du piège mortel dans lequel la France et les Français ont été enfermés, non par faute de l’Allemagne qui  a fait  prévaloir ses intérêts, mais par faiblesse ou sottise de nos dirigeants qui ont cédé.


Bien comprendre les raisons qui nous ont amené ici, c’est aussi tracer le chemin d’une issue possible !



Katsumoto

  

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