40 ans en ce jour que par 52,42% de NON contre 47,58% de OUI, les Français rejetèrent la réforme des Régions et du Sénat , entraînant la démission immédiate du Général de Gaulle.
Si chacun peut mesurer en contrepoint avec les référendums ultérieurs, la distance qui sépare De Gaulle des ses successeurs en terme d’éthique , d’honneur, et de respect de la volonté populaire , là n’est pourtant pas l’essentiel.
De Gaulle a toujours été en avance sur son temps : avant guerre en préconisant les forces blindées, après la défaite de Juin 1940 en prévoyant contre toute évidence que le Reich serait vaincu, à la fin de la guerre en préparant à Brazzaville l’émancipation des colonies en même temps que celle des femmes par le suffrage universel, puis en 1960 la décolonisation de l’ Afrique Noire et déjà l’indépendance de l’Algérie.
De même , après la secousse de mai 1968 qui l’a surpris comme chacun, il a compris que la France jacobine , rurale , où l’autorité s’exerce de haut en bas sans partage dans ses institutions comme dans ses entreprises ne correspond plus à la réalité d’un pays qui a formé sa jeunesse comme jamais auparavant, ni aux exigences d’un monde où les grandes choses sont désormais produites par des équipes.
C’est pourquoi, il engage en 1969 son grand projet sur la participation qui lui paraît tout aussi essentiel à l’avenir de la France que le furent la France Libre ou la décolonisation.
De quoi s’agissait il en ce 27 Avril 1969 ?
D’un côté de constituer des régions dotées de pouvoirs décentralisés réels, avec des conseillers territoriaux élus au suffrage indirect représentant les communes et des représentants des forces vives du pays ( syndicats représentatifs, patronat etc…)
De l’autre de réformer le Sénat, Assemblée de notables à dominante rurale héritée du passé, en regroupant la voix des nouvelles régions et des forces vives de la Nation.
Le Sénat dans sa nouvelle posture remplit un rôle d’orientation de décisions de l’Assemblée Nationale voisin de ce qu’il est actuellement dans la forme mais plus éclairé dans le fond. Compte tenu de sa nouvelle composition , il ne peut plus participer au vote des réformes constitutionnelles.
Alors on connaît la suite…
La Gauche qui devrait soutenir cette réforme n’en veut pas, car elle n’en est pas l’auteur et Mitterand ressasse ses viscérales rancoeurs vichyssoises à l’égard d’un homme face auquel il se sent si médiocre.
La Droite incarnée par Pompidou renacle, celle de Giscard trahit , et les notables du Sénat et d’ailleurs crient une fois de plus au coup d’Etat quand on leur demande de partager une parcelle de leurs prérogatives.
L’Extrême Droite piaffe de régler ses comptes de la collaboration à l’OAS.
Il n’est pas jusqu’au puissant lobby pro-israélien qui n’a pas digéré la condamnation d’Israël en juin 1967 qui ne se prépare à régler les siens.
On se souviendra quand même que la maigre victoire du NON ne fut probablement acquise que grâce à Giscard qui trahit en dernier lieu, s’ouvrant ainsi la voie d’une Présidence de la République qui marquera aussi, en 1974, le début du déclin de la France et des renoncements en Europe.
« Nous avons battu les Allemands, nous avons écrasé Vichy, nous avons empêché les communistes de prendre le pouvoir et l’OAS d’abattre la République, nous n’avons pas pu apprendre à la bourgeoisie le sens national » C.DE GAULLE ( à Michel Debré le 27/04/1969)
Quel fut le résultat de tout cela ?
Il fallut attendre près de 15 ans pour une véritable réforme régionale, bien moins ambitieuse, bien plus coûteuse avec ses conseils généraux, régionaux et ses gaspillages budgétaires..
Mais la France est restée centralisée, les forces vives du pays ne sont pas associées au développement local, les régions françaises n’ont aucun poids face aux landers allemands, aux régions espagnoles ou italiennes….et le désert français , avec les délocalisations, ne fait que s’accentuer.
Le Sénat quant à lui est resté ce qu’il est : une chambre de notables relativement inamovibles, essentiellement consultative, sauf pour les réformes constitutionnelles , servant de garde fous aux humeurs que les Français expriment à l’Assemblée Nationale.
Bref la participation des citoyens n’a guère progressé : bien au contraire , le Sénat permet à un exécutif frileux de se passer de leur vote pour amender la Constitution selon ses intérêts ou son bon plaisir.
Enfin, la participation en entreprise qui devait être la suite logique de cette réforme de l’Etat est tombée dans les oubliettes sur l’autel des corporatismes ou du libéralisme…on en mesure aujourd’hui le prix avec les délocalisations, les affaires Continental et autres scandales de gouvernance.
Bref, les Français, trompés par les uns, amadoués par les autres, ont raté la chance de prendre en main leur destin !
Les conséquences s’en font sentir rudement aujourd’hui partout où le pouvoir est confisqué, détourné, sequestré.
40 ans après ces réformes sont plus que jamais d'actualité.
Katsumoto