La rapport Gallois, tant attendu et commenté avant sa sortie, s’est donc traduit par un « pacte de compétitivité » gouvernemental qui a pris tout le monde à contre-pied.
Le cœur des débats s’est centré, à l’excès, sur les 20 milliards € d’allègement des charges sociales sur le travail, via le crédit d’impôt , compensés par la hausse de la TVA , la création d’une taxe écologique pour moitié, et la baisse des dépenses publiques pour le solde.
Le PS , dans son aile la plus idéologue, les Communistes par nature, les Verts dans leurs rêves vaporeux, se sont immédiatement cabrés, pris à contre-pied par un gouvernement qui fait des « cadeaux aux entreprises » fut ce dans l’intérêt bien compris des salariés et entreprend timidement de réduire la dépense publique qui , en bonne part , entretient l’ électorat de gauche.
L’UMP et le Centre qui, en d’autres temps avaient applaudi des deux mains à la TVA sociale, et qui par la voix de Coppé semblaient en début de semaine adhérer aux conclusions du rapport Gallois, tergiversent, partagés entre ceux qui comme Mr Apparu privilégie l’intérêt national et soutient le plan gouvernemental, et ceux qui comme Fillon et Coppé donnent priorité à la mauvaise foi partisane.
Viennent enfin , ceux qui défendent une sortie de l’euro comme unique moyen de rétablissement de la compétitivité, et dès lors, estiment qu’en attendant leur « Grand Soir » , rien n’est recevable , pas même ce qui peut, par une dévaluation fiscale certes modique à défaut de dévaluation monétaire, contribuer à sauver quelques usines. Chez ceux là , plutot que colmater de grosses brèches visibles on préfère regarder le bateau couler , pourvu que l'on prouve qu'il a été mal conçu!
Qu’en penser alors ?
En premier , qu’évidement un gain de 6% sur le coût du travail ne permettra pas de rétablir à brève échéance la compétitivité du « made in France » : notre pays a besoin de 15% à 20% de baisse des prix par rapport à l’Allemagne.Pour autant faut il rejeter un bien tout de suite en rêvant d'un mieux encore aléatoire dont on sait qu'il prendra du temps ?
Car , outre que Mr Gallois, industriel et pragmatique, n’a pas été mandaté pour faire un rapport sur la sortie de l’euro, l’industrie française a bien plus qu’un problème monétaire.
Elle souffre de trois autres maux principaux :
- Une dépense publique trop lourde qui pèse sur ses comptes au travers de la fiscalité et des
dépenses sociales
- Une image du « made in France » intermédiaire servie par un tissu industriel trop clairsemé qui se
rétrécit comme peau de chagrin.
- Un dysfonctionnement social archaïque , où Travail et Capital s’opposent culturellement au lieude
rechercher le consensus d’entreprise comme en Allemagne ou au Japon.
Et c’est là que le rapport Gallois apporte une contribution essentielle à des politiques tous bords confondus aussi droits dans leurs certitudes théoriques que démunis d’expérience des entreprises et des marchés internationaux.
Oui, la France dépense trop en frais généraux (mille-feuille administratif, fonctionnaires, aides sociales abusives, investissements somptuaires…) comme le souligne chaque année la Cour des Comptes, et toute entreprise privée aurait fermé depuis longtemps si elle était gérée de façon aussi laxiste et irresponsable. Les dépenses ( 56% du PIB) pour entretenir un Etat hypertrophié et des Collectivités Territoriales pléthoriques sont un fardeau excessif pour ceux qui produisent la richesse.
Cela, pourtant indiscutable, n’était pas évident jusqu’à ce rapport notamment à gauche, mais aussi à droite, pour tous ceux qui vivent du système .
C’est apparemment en bonne voie : on va commencer enfin à s’attaquer, bien trop mollement encore aux dépenses publiques !
Non, le « made in France » n’est pas le « made in Germany » et le retard a été pris au début du XXème siècle . Non, nos PME ne sont pas assez nombreuses, et oui notre tissu industriel s’est tellement effiloché depuis 10 ans ( 12,5% de la Valeur ajoutée du pays, moitié de l’Allemagne et loin derrière l’Italie !) que l’on peut se demander si une dévaluation n’arriverait pas déjà tard puisque nous n’avons peut- être plus assez d’usines basées en France pour redresser rapidement notre commerce extérieur !
Alors oui, il faut reconstruire une industrie puissante avec , comme toujours dans notre pays colbertiste, l’appui d’un Etat volontaire qui doit agir pour créer un environnement favorable et pour orienter.
D’’où le choix de filières d’avenir où la France a des savoir-faires qu’il faut soutenir par l’action résolue de l ‘Etat. D’où la proposition d’ un Commissariat à la Prospective ( sorte de Commissariat au Plan d’autrefois) pour une nouvelle planification souple qui fut , avec succès, une« ardente obligation » sous le Général De Gaulle et sous la IVème République.
D’où la stabilisation de la fiscalité des entrepreneurs pour la mandature de Hollande.
D’où l’action recommandée en Europe pour mettre la politique libérale de la Commission de Bruxelles sous contrôle, pour ériger des normes sociales , environnementales, industrielles aux frontières de l’Union, et auprès de l’Eurogroupe et de la BCE pour faire baisser le change de l’euro par rapport au dollar et au Yuhan.
D’où enfin la réforme des relations sociales avec l’introduction d’une cogestion à l’allemande dans les grands groupes, permettant d’associer le Travail aux stratégies d’entreprises, seul moyen d’assurer l’implication de chacun dans les décisions c’est-à-dire la réactivité et la créativité dont les entreprises ont un besoin vital dans la compétition internationale.
Au total , réalisme d'un grand patron patriote dans la lignée des Marcel Boiteux et Marcel Dassault , et vision gaullienne du rôle de l'Etat et d'un pacte social porteur de renouveau!
Que penser enfin du « Pacte de Compétitivité « gouvernemental qui en découle?
D’abord, constater qu’il reprend , en théorie l’essentiel des propositions de Louis Gallois, ce qui en dit long sur le délabrement de notre industrie, mais aussi enfin sur un début de prise de conscience salutaire du monde politique le plus rétif aux réalités d’entreprise.
Ensuite, rester prudent, puisque comme toujours c’est dans le détail des mesures d’application que peut se cacher le diable !
Nous verrons donc lors du vote, si trop de « conditions » politiciennes transformerons ou non le crédit d’impôt en usine à gaz. Disons simplement que le crédit d’impôt pour l’instant peut défavoriser les entreprises qui ne font pas de profits, mais représente pour celles qui en font plus qu’un simple abaissement de charges sociales puisqu’il est net d’impôt.
Ensuite encore, saluer un premier pas très inattendu dans la bonne direction et qui devra être suivi d’autres.
Laisser enfin aux amers de la droite libérale les aigreurs partisanes de ceux qui auraient applaudi sans hésiter sous Sarkozy aux décisions prises aujourd’hui.
Sourire aussi en observant que Mr Gallois, en choisissant le patriotisme, en remettant en place un Commissariat au Plan et des filières industrielles, en proposant des amendements à l' Europe, en réinventant l’esprit du rapport sans concession Rueff Armand des débuts de la Vème République , en promouvant la Participation dans l’entreprise , représente en définitive, auprès d’un gouvernement socialiste , la seule sensibilité gaulliste véritablement efficace et crédible aujourd’hui.
Alors, en ce jour où tant de candidats à quelque chose vont s’incliner à Colombey , gageons que le Général s’amuserait aussi de ce pied de nez à tout ce qui « grenouille et cafouille »
Roger Franchino